Les origines de l'Islam en Afrique de l'Est
Dans le contexte de la terrible sécheresse qui fait rage en Somalie et dans la Corne de l'Afrique, nous avons décidé d’étudier dans ce blog les origines de l'islam dans la région. En effet, le manque de couverture médiatique et la désensibilisation progressive qui s’est installée depuis des années font qu'il est trop facile de se sentir déconnecté de ce qui s’y passe, mais notre histoire collective est profondément enracinée dans cette partie d'Afrique de l'Est, historiquement connue aux Arabes comme celle d’al-Habacha.
Bien que le nom « al-Habacha » se traduise en anglais par Abyssinie, la région engloberait l'Éthiopie, l'Érythrée et la Somalie. Ainsi, voici six faits importants sur les origines de l'Islam en Afrique de l'Est :
- L'islam est arrivé à al-Habacha avant d’arriver à Médine !
Les origines de l'Islam en Afrique de l'Est remontent à la vie du Prophète Muhammad (saw). Les premières années du Message furent remplies d’épreuves et de grandes difficultés. En effet, les polythéistes de La Mecque ont très durement persécuté les premiers musulmans. Ainsi, le Prophète (saw) décida d’envoyer deux délégations de musulmans à al-Habacha pour qu’ils échappent à l'oppression dont ils étaient victimes.
L'Afrique de l'Est a donc été le premier endroit où l'islam s'est répandu en dehors de la péninsule arabique et la première partie du monde où les musulmans ont pu pratiquer leur religion librement et sans persécution.
- Les deux premières migrations (hijra) étaient vers al-Habacha
Au cours de la 5ème année de prophétie, durant le mois de Rajab, le Prophète (saw) envoya la première délégation de musulmans à al-Habacha. Il les informa que le roi du pays était juste et qu'il leur permettrait d'y résider sans oppression. 12 hommes et quatre femmes ont migré vers l'Afrique de l'Est. Le premier groupe de compagnons à faire la Hijra comprenait Othman (ra) ainsi que sa femme Ruqayya (ra) (la fille du Prophète (saw)), az-Zubayr (ra), Jaafar (ra) et Oum Salama (ra) (qui épousera plus tard le Prophète (saw)).
Négus est un titre qui a été utilisé pour décrire les rois d'al-Habacha ; l'équivalent de César et Khosro. Le Prophète (saw) a écrit la lettre suivante au Négus :
« Au nom d'Allah, le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux. De Muhammad, le Messager d'Allah, à An-Najachi, roi de Habacha. Je loue Allah, le Roi, le Pur, Le Pourvoyeur de Paix, le Donateur de Foi, le Tout-Puissant. J'atteste que 'Issa ibn Maryam (as) est l'esprit d'Allah et Sa parole qu'il plaça dans Maryam, la jeune pure et vierge, ainsi elle porta 'Issa, comme Il a créé Adam de Ses mains. Je vous appelle à Allah seul sans aucun associé, et à me suivre et à croire en ce qui m'a été révélé, car je suis le Messager d'Allah, et je vous invite ainsi que vos soldats à Allah le Tout-Puissant, j’ai transmis le message et conseillé alors acceptez mon conseil, et que la paix soit sur ceux qui suivent la bonne voie ».
La deuxième migration vers l'Afrique de l'Est comprenait 83 hommes et 18 femmes. En réponse, les Quraych ont envoyé Amr ibn al-As et Abdullah ibn Abi Rabi'a (avant qu'ils ne deviennent musulmans) avec des cadeaux pour le Négus et ses évêques. Leur intention était de corrompre le Négus pour leur permettre de ramener les musulmans à La Mecque.
- La justice du Négus
Le Négus présenté dans les premières migrations islamiques vers l'Afrique de l'Est était Ashama ibn Abjar (ra). Il était un chrétien pratiquant et instruit avant que l'appel de l'islam n'atteigne ses terres et était un dirigeant juste qui ne tolérait pas l'oppression. Dans sa jeunesse, il avait également été victime d'injustice, vendu comme esclave après que son oncle eut renversé son père et pris le contrôle de son royaume. Après la mort de son oncle, le peuple s'est rendu compte de son erreur lorsque l'incompétence de ses fils est devenue évidente. Ils ont ensuite repris Ashama et en ont fait le Négus. L'un de ses premiers gestes pour établir la justice a été d'ordonner au peuple d'indemniser son ancien maître d'esclaves, car ils lui avaient injustement volé Ashama.
Quand Amr ibn al-As et Abdullah ibn Abi Rabi'a ont approché le Négus avec des cadeaux en échange des musulmans, il a refusé. Suite à leurs affirmations persistantes selon lesquelles les musulmans étaient des fauteurs de troubles qui avaient délaissé leurs croyances, Ashama conclut qu'il valait mieux convoquer les accusés et entendre ce qu’ils avaient à dire.
À la cour du Négus, Jaafar (ra), cousin du Prophète (saw), a exprimé avec éloquence la beauté de l'Islam, expliquant comment ils avaient vécu dans l'ignorance et le péché avant l’Islam et comment l'Islam avait transformé leur vie. Il a ensuite récité des versets de la sourate Maryam (chapitre 19), prouvant le respect que les musulmans ont envers Jésus (as) et sa mère Marie (as), faisant verser les larmes du Négus et de ses évêques.
Le Négus comprit que le Coran était une révélation d'Allah et déclara : « Il semble que ces paroles et celles qui ont été révélées à Jésus soient les rayons de la lumière qui ont émané de la même source ». Il a refusé d'accepter le pot-de-vin de Amr et a annoncé que les musulmans étaient libres de vivre et de prier librement dans son pays.
Le Négus a également prononcé les mots célèbres suivants, qui sont directement liés à sa propre histoire et à son expérience de l'injustice :
Avant sa conversion à l'islam, le Négus a offert deux chaussettes en cuir noir pur (khuffs) au Prophète (saw). Le compagnon Amr ibn Umayya (ra) a apporté ce cadeau au Prophète (saw) d'Afrique de l'Est :
C'est sur l'autorité d'Ibn Buraida de son père (ra) que Najachi a offert au Prophète (saw) deux khuffs noirs unis. Alors, il les a portés, puis il a exécuté le Wudu et les a essuyés. [Tirmidhi]
Ici, une autre décision de la jurisprudence islamique découle des débuts de l'islam en Afrique de l'Est. Les quatre écoles de pensée ont longtemps discuté de la possibilité d'essuyer des chaussettes en cuir lors du Wudu.
- Le Prophète (saw) voulait servir les gens d'al-Habacha
Notre bien-aimé Prophète (saw) n'a pas oublié l'hospitalité du Négus et de son peuple en donnant à ses compagnons vulnérables (ra) la permission de vivre en Afrique de l'Est en toute sécurité. Il voulait vraiment leur rendre la pareille et les servir pour les remercier d’avoir accueilli et protégé les musulmans.
Lorsqu'une délégation du Négus a visité Médine et est venue voir le Prophète (saw), il s'est immédiatement levé pour les servir. Ses compagnons lui ont dit : « Nous te suffirons », ce qui signifie qu'ils pouvaient accueillir les visiteurs, mais le Prophète (saw) était très désireux de les servir lui-même et dit :
Tout comme le Prophète (saw) s'est levé pour servir le peuple d'Afrique de l'Est, nous pouvons nous aussi suivre cette Sunna en nous tenant aux côtés de nos frères et sœurs qui ont plus que jamais besoin de notre aide. La Corne de l'Afrique connaît sa sécheresse la plus dévastatrice depuis 40 ans, menaçant des millions de personnes de famine.
Notre Prophète (saw) considérait comme un honneur de s'occuper du peuple d'al-Habacha, et il devrait en être de même pour nous. C’est l’occasion de servir un peuple dont les ancêtres ont autrefois fourni refuge et abri à la première communauté musulmane.
Nous prions ainsi pour qu'Allah les sorte de cette période difficile, en envoyant de la pluie et de l'espoir pour eux, et en nous utilisant pour leur venir en aide, amin.