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lundi 7 février 2022

Camps du Liban : une expérience qui déchire le cœur.

Léa Mallo
Camps du Liban : une expérience qui déchire le cœur.

Je m’appelle Léa et j’occupe le poste d’assistante projet dans le département Programmes de Muslim Hands France depuis le mois d’avril 2021. À l’occasion de la saison hivernale, nous avons décidé de financer une campagne hiver au Liban en collaboration avec l’association libanaise ISWA. Cette campagne est destinée à apporter de la nourriture et un kit hiver à des familles syriennes, palestiniennes et libanaises vivant dans la plaine de la Bekaa, à Arsal ou encore à Saida, pour les aider à surmonter cette période difficile de l’année qu’est l’hiver.

Afin de pouvoir comprendre comment se déploie le projet au Liban, je me suis rendue une semaine sur place pour participer aux différentes distributions, pour interviewer les familles bénéficiaires et évaluer le déroulement de la campagne.

Nous avons commencé les distributions à Arsal, ville située dans le nord-est du Liban, près de la frontière syrienne. À Arsal, ce sont des milliers de réfugiés syriens qui vivent dans les camps, et pour certains depuis 2011. Les conditions de vie y sont très difficiles, surtout pendant l’hiver : les familles vivent dans des abris de fortune composés de bois pour la charpente, renforcés avec de fines planches de bois, des morceaux de plastiques et des bâches pour isoler de la pluie et de la neige. Les abris sont disposés sur des dalles de bétons et les familles utilisent des tapis pour isoler le sol du froid. Malheureusement, comme cela a pu être le cas lorsque nous étions présents sur place, une tempête de neige a sévi et a fragilisé les toits des habitations, a favorisé des infiltrations d’eau par le toit et les sols, laissant certaines pièces mouillées voir totalement inondées à cause de la fonte de neige.

La suite de la distribution a continué dans d’autres municipalités de la Plaine de la Bekaa où les conditions de vie y sont toutes aussi difficiles et où malheureusement le schéma se répète encore et encore. Les conditions météorologiques fragilisent les habitations et ne cessent de mettre en danger les populations et en particulier les enfants. Pour beaucoup d’entre eux, les vêtements d’hiver se font rares. Nous avons croisé beaucoup d’enfants vêtus seulement d’un gilet, portant des sandales ouvertes ou des chaussures d’adultes beaucoup trop grandes dans la neige, sans chaussettes. Rares sont ceux portant des gants, un bonnet ou même une écharpe. Le froid est ravageur, meurtrier et emporte avec lui des âmes innocentes.

Les familles tentent tant bien que mal de se réchauffer en brûlant des déchets, tout ce qu’elles peuvent trouver. Elles peinent également à se nourrir. Dans la meilleure des situations elles, reçoivent solidairement de la nourriture de la part de leurs voisins, des habitants des environs ou des aides humanitaires. Mais parfois, elles sont contraintes de s’endetter auprès des commerces environnants en laissant des ardoises et en risquant un rapport de police, ou parfois même de chercher des aliments dans les poubelles.

La situation est urgente et alarmante pour toutes ces familles qui vivent dans la Plaine de la Bekaa et qui souffrent du froid et de la faim. Il est urgent de venir en aide à ces familles et de leur donner la parole pour que nous puissions les écouter et répondre au mieux à leurs besoins vitaux.

Au Liban, l’hiver et la crise économique n’ont pas non plus épargné les réfugiés palestiniens et les familles libanaises qui souffrent aussi des conséquences des températures négatives et de l’inflation des prix des produits de première nécessité. C’est la raison pour laquelle nous avons continué notre distribution dans la ville de Saida, située à 40 kilomètres au sud de Beyrouth, où même si les bénéficiaires vivent sous un toit, ces derniers peinent à joindre les deux bouts et à se nourrir correctement.

Au total, ce sont près de 725 familles, soit 3 625 individus, qui ont pu bénéficier grâce à vos dons de couvertures, de fioul, d’un radiateur électrique et d’un colis alimentaire suffisant pour répondre à leurs besoins alimentaires pendant un mois.

Pendant cette semaine passée au Liban, ce qui m’a le plus marquée au cours des distributions et interviews des bénéficiaires a été l’accueil qu’on nous a réservé. Dans chaque camp visité, tous les bénéficiaires nous accueillaient avec du café, des biscuits, des fruits. Les enfants et les parents venaient nous saluer en nous serrant la main. Certains nous invitaient même à entrer chez eux. Lors des interviews, les familles nous ouvraient la porte de leur habitation pour nous raconter leurs histoires, leur vie avant leur arrivée au Liban et leur vie depuis leur arrivée. À chaque fois, c’était la même hospitalité qui nous était communiquée.

Derrière ces portes d’habitation, nous avons entendu beaucoup d’histoires et de parcours de vie multiples. Je me souviens d’une en particulier qui m’a beaucoup émue ; la rencontre de Warda. Warda est âgée de 16 ans et vit seule avec ses deux jeunes frères dans le camp 072, dans une des municipalités de la Plaine de la Bekaa. Orphelins de père, ils sont malheureusement contraints de vivre seuls depuis que leur mère souffre d’un cancer et est retournée sous la contrainte en Syrie pour se faire soigner. Malgré le danger, le coût des traitements médicaux est beaucoup trop élevé au Liban, c’est la raison pour laquelle elle a dû repartir en Syrie pour recevoir les soins nécessaires. Warda, malgré son jeune âge, endosse désormais le rôle de l’adulte à la maison et s’occupe de ses deux frères dont la principale activité la journée n’est pas d’aller à l’école mais de chercher du métal pour pouvoir le revendre et subvenir à leurs besoins. La nuit précédant notre rencontre avait été rude pour eux. Le toit de leur habitation avait craqué et la neige s’était infiltrée dans leur pièce de vie. Grâce à la solidarité de leurs voisins, des cales ont été disposées pour soutenir l’effondrement du toit et les trois adolescents ont été accueillis dans une autre habitation pour passer la nuit au sec. Vous n’imaginez pas à quel point la rencontre de Warda et ses frères m’a bouleversée. Être confrontée à des « problèmes d’adultes » à un âge si jeune et avoir la responsabilité de son foyer à 16 ans n’est pas tâche facile mais la force du destin fait que Warda doit occuper cette place et elle le fait en se battant corps et âme. Je lui tire mon chapeau.

Cette expérience de terrain fut très enrichissante sur le plan humain et mais aussi professionnel et je remercie toutes les personnes qui se sont impliquées dans ce projet : l’association ISWA qui a permis de mettre en place le projet et d’organiser les distributions, les bénéficiaires qui nous ont accueillis dans leur lieu de vie et dans leurs habitations pour prendre le temps de discuter avec nous, ainsi que les donateurs qui ont permis de financer cette aide vitale pour toutes ces familles ; sans eux et leur contribution, de nombreux projets ne pourraient voir le jour.

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Muslim Hands France

Etablie en 2007, Muslim Hands France est une ONG de solidarité internationale régie par la loi 1901 et œuvrant dans le domaine de l’humanitaire et du développement.