La crise au Liban expliquée
Le mardi 4 août, une explosion massive de bâtiments dans le port de Beyrouth a fait au moins 220 victimes et 6 000 blessés. Plus de 100 personnes sont toujours portées disparues. Les secouristes cherchent des victimes sous les décombres et le nombre de morts continue d’augmenter.
C’est une véritable tragédie, environ 300 000 personnes ont perdu leur logement, trois hôpitaux ont été détruits et deux autres endommagés.
Cette explosion aurait provoqué une crise dans n'importe quelle ville, la perte de vies aurait été tragique dans n’importe quel pays, mais pour le peuple libanais, c'est une véritable catastrophe humanitaire.
En effet, les Libanais devaient déjà subir les conséquences d’un conflit sans fin, de l’accueil des réfugiés syriens, de la pandémie de coronavirus et d’une crise économique énorme.
Pour comprendre pleinement les conséquences de l'explosion à Beyrouth, il est nécessaire d'en apprendre un peu plus sur l'histoire du Liban et les problèmes auxquels ce pays a été confronté au fil des années. Cet article est un bref résumé de la situation au Liban avant la catastrophe.
La crise économique au Liban
Ces derniers mois, les supermarchés libanais ont cessé de mettre des étiquettes de prix sur leurs produits alimentaires, car les prix augmentaient tous les jours. Les prix des denrées de base comme les céréales ont doublé au Liban et les supermarchés ne rationnent plus que les produits essentiels.
Les experts ont annoncé l’entrée du Liban dans une phase d'hyperinflation, avec une augmentation d'au moins 500 % du taux d'inflation d'une année sur l'autre. Au début de cette année, un tiers des Libanais vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Alors que le pays luttait pour faire face à la pandémie de coronavirus, la crise financière n'a fait qu'empirer la situation.
En effet, la pandémie de coronavirus a aggravé la pauvreté au Liban. Les entreprises ont été contraintes de licencier du personnel et les familles ont cessé d'acheter de la viande, des fruits et des légumes. Au Liban, acheter du pain est devenu un combat.
En plus des pénuries alimentaires généralisées, la population doit aussi faire face à un manque d'eau potable, à des coupures d'électricité quotidiennes, à des soins médicaux limités et à l’une des pires connexions internet du monde.
Un pays endommagé par les conflits
En plus de la crise économique, la situation au Liban s’est dégradée au fil des années à cause de nombreux conflits, notamment :
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La guerre civile libanaise, de 1975 à 1990, au cours de laquelle environ 150 000 personnes ont été tuées et 100 000 autres handicapées de façon permanente. Environ un cinquième de la population a dû être déplacé. Après la guerre, le Liban a été temporairement occupé par la Syrie.
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En 1982, pendant la guerre civile que nous avons citée, le Liban a également été envahi par Israël, Beyrouth a temporairement été assiégée, et le sud du Liban a été occupé par Israël.
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En 2006, une autre guerre a éclaté entre Israël et le Liban, appelée Deuxième Guerre du Liban, Guerre Israël-Hezbollah, ou encore Guerre de juillet. En plus d’avoir dû affronter un blocus naval, certaines infrastructures au Liban ont également été endommagées, notamment des canaux d'irrigation et un aéroport à Beyrouth.
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En 2007, il y a eu un conflit interne au Liban, alors que des combats ont éclaté entre l'armée libanaise et le Fatah al-Islam. La majeure partie du conflit a eu lieu à Nahr al-Bared, un camp de réfugiés palestiniens des Nations Unies près de Tripoli, mais il y a également eu des affrontements dans le sud du Liban, ainsi que des attentats à la bombe à Beyrouth et aux alentours. Au cours de ce conflit, de nombreux réfugiés de Nahr al-Bared ont fui vers d’autres régions du Liban.
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En 2008, un autre conflit a eu lieu à Beyrouth, qui a failli replonger le Liban dans une guerre civile. Il s'agissait de batailles de rue entre les milices pro-gouvernementales et celles du Hezbollah. Les affrontements se sont également étendus à d'autres régions du pays.
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Enfin, entre 2011 et 2017, les combats de la guerre civile syrienne se sont répandus à plusieurs reprises sur le sol libanais.
Accueil des réfugiés au Liban
Malgré ces conflits et malgré les problèmes économiques du pays, le Liban a accueilli environ 1,7 million de réfugiés au fil des années, la plupart d'entre eux syriens et palestiniens. Outre les camps de réfugiés palestiniens, il existe également des camps informels composés de tentes pour les réfugiés syriens, et certains louent des logements dans les villes et les zones rurales.
Le coût total estimé de la crise syrienne pour l’économie libanaise était de 7,5 milliards de dollars américains fin 2014.
Bien entendu, les familles libanaises pauvres ont été les plus touchées par cet afflux de réfugiés. Avec la détérioration de l’économie, les communautés d'accueil et les familles de réfugiés subissent une pauvreté généralisée.
Ainsi, il est louable qu'en dépit de sa situation difficile, le Liban ait accueilli autant de familles syriennes, d'autant plus qu'il accueille déjà trois générations de réfugiés palestiniens.
Bien que le coronavirus ait mis un terme temporaire à de nombreuses manifestations, il a également montré plus clairement que le système de protection sociale du Liban était inadéquat pour soutenir les personnes vulnérables. La détérioration de l’économie a provoqué de nouvelles émeutes. En avril, un jeune homme a été abattu par des soldats lors d'une violente manifestation à Tripoli et plusieurs banques ont été incendiées.
La goutte d'eau qui a poussé le peuple libanais au bord du gouffre a été l'explosion au port de Beyrouth.
Bien que l'on ne sache pas comment la détonation a commencé, la force de l'explosion a été intensifiée par 2750 tonnes de nitrate d'ammonium qui étaient stockées dans le port de Beyrouth. Le peuple est furieux que cette matière potentiellement explosive ait été conservée à l'intérieur d'un entrepôt sans aucune mesure de sécurité pendant plus de six ans, si près du centre de la ville.
Suite à la pression croissante des manifestations exigeant un changement politique, l'ensemble du gouvernement libanais a maintenant démissionné.
Les conséquences de l'explosion
Comme mentionné précédemment, la dévastation du port de Beyrouth aura d'énormes répercussions à long terme sur le peuple libanais.
L’explosion a conduit à de nouvelles pénuries alimentaires dans un pays qui faisait déjà face à une crise économique. La moitié du matériel médical qui était stocké a été détruit, ainsi que six mois de réserves de nourriture, principalement sous forme de blé. Pour un pays si dépendant des importations, la destruction du port de sa capitale est une véritable catastrophe.
À court terme, Beyrouth connaît des pannes de courant, et de nombreuses personnes n'ont pas accès à l'eau ni à l'électricité. Nos partenaires sur le terrain l’ont décrite comme « un désert total ».
Comme cet article l'a clairement montré, le Liban ne pourra pas se remettre seul de cette catastrophe. Il dépend entièrement de l’aide internationale pour faire face aux besoins immédiats de sa population et pour reconstruire tout ce qui a été détruit.
Le peuple libanais a déjà tellement souffert. Ils ont plus que jamais besoin de notre soutien.
Nos partenaires sur le terrain répondent à cette crise en distribuant des kits d'urgence aux plus vulnérables. Soutenez notre fonds Urgence Liban pour nous aider à soutenir le plus de familles possible.