Au cours du dernier trimestre, La Fourchette Fraternelle, le restaurant solidaire de Muslim Hands France situé au Merlan, dans le 14ᵉ arrondissement de Marseille, a enregistré un niveau d’activité inédit depuis la mise en place du dispositif. En trois mois, 5 709 repas ont été distribués à 264 bénéficiaires, confirmant une demande d’aide alimentaire toujours croissante.  

Chaque matin, dès l’aube, l’équipe de La Fourchette Fraternelle s’active en cuisine pour préparer le service, tandis que les premiers bénéficiaires arrivent pour partager un moment d’échange et de répit.  

Mais derrière cette atmosphère chaleureuse, la réalité sociale demeure préoccupante : les profils de bénéficiaires évoluent et les situations rencontrées traduisent une précarité toujours plus diffuse.  

L’APPARITION DE NOUVEAUX PUBLICS FRAGILISÉS  

En juillet, le restaurant a vu apparaître de nouveaux publics : des jeunes actifs dont le salaire ne suffit plus à couvrir les dépenses essentielles, mais aussi des familles qui n’avaient jamais eu recours à un dispositif d’aide alimentaire.  

Parmi elles, une mère isolée, venue un matin avec ses deux enfants, a confié : « Je travaille, mais je n’y arrive plus. Ici, au moins, ils mangent chaud. » Ce témoignage, simple mais révélateur, illustre la nouvelle forme de précarité observée sur le terrain : celle des travailleurs pauvres et des familles fragilisées par la hausse du coût de la vie.  

Au mois d'août, alors que de nombreuses structures fermaient leurs portes pour la période estivale, La Fourchette Fraternelle a choisi de maintenir son activité. Malgré des journées particulièrement intenses, les équipes sont restées pleinement mobilisées. Les bénévoles ont redoublé d’efforts, faisant de chaque repas un réel soutien face à la solitude et à l’insécurité alimentaire.  

Parallèlement, le restaurant a également accompagné plusieurs bénéficiaires vers des dispositifs adaptés en termes d’hébergement, de formation et de suivi social. Sur dix personnes suivies, huit ont pu bénéficier d’une solution positive. Ces résultats confirment que la régularité de l’accompagnement et la proximité avec les bénéficiaires font la différence.  

En septembre, la rentrée a entraîné une augmentation significative des besoins. Les demandes d’aide alimentaire ont explosé, tandis que les coûts d’approvisionnement ont continué de croître. Malgré ces contraintes, le restaurant a maintenu un service régulier : chaque midi, 80 à 90 repas sont servis, dans une atmosphère marquée à la fois par l’intensité du service et la convivialité.   

UN TÉMOIGNAGE QUI ILLUSTRE LA DURE RÉALITÉ DES BÉNÉFICIAIRES  

Cette montée de la précarité se traduit au quotidien dans les parcours des personnes accueillies. À 74 ans, Delise, retraitée, divorcée et sans pension, a longtemps fait face à une situation financière difficile. Aujourd’hui accompagnée par La Fourchette Fraternelle, elle revient sur son parcours :  

« Lorsque je vivais chez ma fille, je dormais sur le canapé, j’avais mal au dos. Épuisée, j’ai décidé de m’installer seule, j’avais besoin d’un peu d’indépendance. Entre le loyer, les factures, l’assurance, la mutuelle et ma retraite de 1300 euros, il me restait à peine 200 € pour vivre. C’est à ce moment-là que j’ai croisé la route de La Fourchette Fraternelle.   

Dès mes premiers repas au restaurant solidaire du Merlan, j’ai ressenti de la chaleur humaine et de la bienveillance. L’accueil est parfait. Je mange bien, à ma faim, et surtout, je me sens entourée. Au fil des semaines, cette aide m’a permis de me reconstruire, j’ai pu économiser un peu pour racheter des meubles, reprendre une vie plus stable. Mais surtout, j’ai retrouvé un lien social qui me manquait cruellement : ici, on se sent en famille, on se parle, on rit, on partage. Ça fait du bien, surtout quand on a connu la solitude.   

Je tiens à remercier toutes celles et ceux qui soutiennent ce dispositif, vous avez uni vos forces pour aider des gens comme moi. Grâce à cette équipe si chaleureuse, j’ai retrouvé le goût de vivre. J’aimerais devenir bénévole à mon tour, pour redonner ce qu’on m’a offert. »  

FACE À LA PRÉCARITÉ CROISSANTE, UN DISPOSITIF EN ÉVOLUTION  

Ce dernier trimestre illustre l’évolution du rôle du restaurant, désormais à la croisée de l’aide alimentaire et de l’accompagnement social. Plus d’une vingtaine d’usagers ont été accompagnés dans leurs démarches, avec plusieurs sorties positives et des suivis toujours en cours. La coopération avec les associations locales, les travailleurs sociaux et les institutions reste un levier essentiel pour proposer des réponses cohérentes et durables.

Aujourd’hui, il est évident que se nourrir est devenu un enjeu central pour de nombreuses personnes. Il ne s’agit plus seulement de survivre, mais aussi de préserver sa dignité et de maintenir du lien social. C’est dans cette perspective que se prépare l’ouverture prochaine d’un second établissement dans le 3ᵉ arrondissement de Marseille, afin de renforcer la réponse apportée aux besoins croissants sur le territoire.  

La mission demeure inchangée : permettre à chacun de manger à sa faim, dignement, et de retrouver sa place dans la société. Tant que ce besoin existera, la Fourchette Fraternelle restera fidèle à sa vocation : accueillir, nourrir et relier.  

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